troncs célestes et rameaux terrestres 1 - Le système Can-Chi : Thiên Can ĐỊa Chi : 天干地支À l'instar du calendrier chinois, le calendrier traditionnel vietnamien est fondé sur un cycle sexagésimal (60 ans) résultat d'associations entre 10 troncs célestes et 12 rameaux terrestres. Par commodité, on parle du système Can-Chi, condensé de Thiên Can Địa Chi, forme sino-vietnamienne de 天干地支. Aujourd'hui, cette forme est quelquefois remplacée par Thập Can Thập Nhị Chi, littéralement 10 troncs 12 rameaux. Le temps du cycle duodénaire des rameaux, soit d'une série de 12 animaux, est appelé giáp. L'origine de ce calendrier est incertaine mais il est attesté durant la dynastie Shāng ( 商朝 15-10 siècles av. J.-C.). Bien sûr, il ne se présentait pas sous la forme actuelle et si l'on se réfère aux premiers signes connus, ils ont à voir avec la divination (surtout ostéomancie) et/ou avec des commémorations ( cultes ? ) à des ancêtres. La fonction de calendrier visant à ordonner l'ensemble des manifestations cycliques semble émerger de ce fonds. L'association des animaux aux rameaux terrestres est encore plus tardive, d'autant que plusieurs séries zoaires différentes se sont succédées. Il en est de même pour les liaisons entre troncs célestes et les cinq éléments, ngũ hành [ zn wǔxíng, 五行 ].  Ces troncs et ces rameaux n'ont qu'une existence théorique. Ils sont le produit complexe d'observations astronomiques, de quelques faits empiriques, de cosmogonie et de la nécessité psychique de mettre de l'ordre et du sens devant les données du réel. Il en est du même processus qui a conduit à imaginer le Zodiaque dont nous sommes plus familiers. Il est composé de constellations dont les existences ne sont que virtuelles puisque nées de processus perceptifs subjectifs même si les étoiles et les galaxies qui en constituent les « points » sont bien des « objets » réels [1]. Cependant il ne faut pas penser que ces arbitraires des signes et des symboles soient sans intérêt ; bien au contraire, ils ont servi de repères tangibles et efficaces pour ordonner, « domestiquer » le monde, le temps, les saisons etc. Ils ont servi pendant « des siècles et des siècles » les besoins et les intérêts des agriculteurs, des nomades, des marins et des savants. Encore ne faut-il pas seulement parler du passé car aujourd'hui encore beaucoup de pays asiatiques utilisent les signes des troncs célestes comme organisateurs ou classificateurs ; par exemple les différentes parties de documents officiels, les évaluations scolaires, des repères en chimie, les divisions des championnats sportifs, etc. L'arbitraire et l'imaginaire que nous avons pointés sont tout autant présents dans les écritures des lettres et des chiffres ou dans les sons des langues or, personne n'irait valablement contester les avantages de tels systèmes. Ajoutons que l'astronomie chinoise était la première à utiliser le pôle et le plan équatoriaux célestes, ce qui est aujourd'hui devenu le modèle universel. Le début d'un cycle est l'association du premier rameau terrestre (figuré par le rat) [2] et du premier des troncs célestes (figuré par un des 2 états possibles d'un élément - eau pour les Vietnamiens, bois pour les Chinois). Si l'on convient de nommer les rameaux par des lettres et les troncs par des chiffres, la première année d'un cycle est toujours A1, la seconde B2, etc.. La dernière année de la première phase sera nécessairement celle de L2, L étant la douzième lettre et les chiffres ayant déjà fini leur phase de 10. La seconde phase du cycle sera donc A3 et si l'on poursuivait ainsi la troisième phase débuterait par A5. Par ces processus, nous retrouverions A1 60 ans plus tard - 60 étant le « ppcm », et non 120 comme beaucoup le croit spontanément.
Depuis 1984, nous sommes entrés dans le 78ème cycle après le début du comput (2637 av.-J.C.), cycle qui s'achèvera en 2044. Quelques-uns contestent ces chiffres à 1 ou 2 unités près argumentant de décalages accumulés entre différents calendriers. Cette question n'est pas vraiment cruciale car de toutes les façons tous les calendriers ont été « manipulés » au cours de l'histoire, souvent pour des raisons politiques, quelquefois pour des raisons de progrès astronomiques. Pour des facilités d'exposition, nous inverserons ici la présentation en voyant d'abord les rameaux terrestres et ensuite les troncs célestes. 2 - les 12 rameaux terrestresChacun d'eux possède un nom spécifique et cela dans chacune des langues asiatiques des cultures qui s'y réfèrent mais : Ces caractères sont identiques pour les Vietnamiens qui les ont intégrés comme caractères hán việt [3] et donc, ne les prononcent pas comme les Chinois. Ces caractères, hors du contexte calendrier, signifient d'autres choses et celles-ci n'ont rien à voir directement avec ces rameaux. Exemple : pour 2005, nous étions au dixième rameau qui s'écrit 酉. Ce signe veut habituellement dire amphore et n'a rien à voir avec le coq. [actualisation 2015 : huitième rameau, 未, mùi, année de la chèvre ( ou mouton) alors que ce caractère signifie « pas encore »].
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 子 | 丑 | 寅 | 卯 | 辰 | 巳 | 午 | 未 | 申 | 酉 | 戌 | 亥 | | Ces caractères sont écrits en pinyin et prononcés en chinois comme ci-dessous : | Zǐ | Chǒu | Yín | Mǎo | Chén | Sì | Wǔ | Wèi | Shēn | Yǒu | Xū | Hài | | rat | buffle | tigre | lapin | dragon | serpent | cheval | mouton | singe | coq | chien | cochon | Correspondances en français : ( ! ils n'en sont pas une traduction ! ) | rat | buffle | tigre | chat | dragon | serpent | cheval | chèvre | singe | coq | chien | cochon | | Caractères écrits en quốc ngữ : | Tý | Sủu | Dần | Mẹo | Thìn | Tị | Ngọ | Mùi | Thân | Dậu | Tuất | Hợi |
2a - Différences entre les listes d'animaux chinois et vietnamiennesLes différences dans les listes d’animaux concernent le lapin vs chat, le mouton vs chèvre et parfois le coq vs poule. Pour les deux dernières, les différences semblent liées aux particularités des langues et aux aléas des traductions. Ainsi les termes chinois et vietnamiens utilisés sont des génériques. C’est l’adjonction d’un autre terme qui fait la précision. Quelques exemples : gà ( ou jī en chinois) signifient poule, coq, poulet etc. mais gà mái, gà trống, gà lôi mái sont respectivement la poule, le coq, la poule faisane. Il en est de même pour thỏ - lapin et thỏ rừng - lièvre. Le sinogramme, 羊 (yáng) génère de la même façon mouton, bélier, chèvre, antilope, chamois, etc. Le choix de tel ou tel animal dépend du système âm et dương, féminin, masculin, sauvage et domestique etc. Il serait cohérent que ce soit plutôt le coq que la poule, la chèvre que le mouton, le lièvre que le lapin mais on ne peut cacher qu’il existe plusieurs courants d’interprétations. La différence lapin vs chat est spécifiquement vietnamienne et vraisemblablement tardive. Je n’en connais pas d’explications satisfaisantes. Il n’est pas improbable que la contigüité phonétique entre māo (pinyin) et mão ou mẹo (chat) soit une des origines de ce glissement de sens ou peut-être une opportunité de distinction culturelle. 3 - Les troncs célestesAttention ! Les remarques orthographiques et phonétiques que nous venons de faire pour les 12 rameaux terrestres sont complètement applicables aux 10 troncs célestes. En 2005, nous sommes au second tronc céleste qui s'écrit 乙, et hors de ce contexte signifie faucille. Les troncs célestes sont à la fois associés au cycle yīn -yáng [ 阴 阳 ] (âm et dương en VN) et à la théorie des 5 éléments ou plus justement des cinq agents : le bois, l'eau, la terre, le métal, le feu. 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 甲 | 乙 | 丙 | 丁 | 戊 | 己 | 庚 | 辛 | 壬 | 癸 | | Caractères écrits en pinyin (chinois) | jiǎ | yǐ | bǐng | dīng | wù | jǐ | gēng | xīn | rén | guǐ | | Associations des caractères avec le cycle yīn -yáng et la théorie des 5 éléments : | bois | feu | terre | métal | eau | + | - | + | - | + | - | + | - | + | - | | Caractères écrits en quốc ngữ : | giáp | ất | bính | đinh | mậu | kỷ | canh | tân | nhâm | qúi | -- mais les associations vietnamiennes sont différentes des chinoises !! -- | eau | feu | bois | métal | terre | naturelle | à usage | allumé | latent | général | allumé | général | façonné | inculte | cultivé |
La compréhension de ce tableau n'est pas évidente au premier regard. D'une part, parce que chaque élément est positif et négatif, d'autre part, l'ordre des éléments chinois et vietnamiens est différent. Pour surmonter ces difficultés nous nous arrêterons d'abord sur la théorie des cinq éléments avant de revenir sur la question de la différence des ordres chinois et vietnamiens. 3a - la théorie des cinq éléments (agents)Faisons un détour historique. Les cinq éléments (wǔxíng, 五行) apparaissent d’abord dans le Livre des Documents (shūjīng) vers le IVe siècle av. J.-C. La première mention se présente ainsi : « Les cinq agents sont : eau, feu, bois, métal, terre. Il est dans la nature de l’eau d’humidifier et de couler vers le bas ; dans celle du feu de brûler et de s’élever dans les airs; d’en celle du bois d’être courbé et redressé; dans celle du métal d’être ductile et d’accepter la forme qu’on lui donne; dans celle de la terre de se prêter à la culture et à la moisson. » [4] Un ou deux siècles plus tard, notamment sous l’influence du penseur Zōu Yǎn, le wǔxíng est associé aux souffles primordiaux, le yīn et le yáng, et la notion de cinq agents s’élargit à celle de cinq phases devenant cycle de conquête, précédant selon toute vraisemblance la notion de cycle d’engendrement. Les combinaisons avec les saisons, les points cardinaux, les dynasties, etc. contribueront à achever ces tableaux de correspondances donnés aujourd’hui comme surgissant d’une antique sagesse alors qu’ils sont le résultat d’influences diverses étalées sur plusieurs siècles. Ces cycles sont figurés ci-dessous avec une formule classique facilitant la mémorisation.  | « L’eau donne naissance au bois mais elle détruit le feu ; le feu donne naissance à la terre mais il détruit le métal ; le métal donne naissance à l’eau mais il détruit le bois ; le bois donne naissance au feu mais il détruit la terre ; la terre donne naissance au métal mais elle détruit l’eau. » Les éléments de cette citation sont écrits avec leurs couleurs attribuées. Selon les contextes, naissance et domination sont appelées engendrement et destruction. |
On comprend qu'il ne s'agit pas d'éléments au sens de ceux de la théorie des éléments (rhizomata) d'Héraclite et surtout d'Empédocle ou, pour le dire autrement, au sens de constituants d'un objet composite. Dans l'expression chinoise wǔxíng, 五行 wǔ est simplement 5 mais xíng est plus complexe. Cela veut dire « marcher » et dans un sens plus général renvoie à des actions. Par exemple en association d'autres mots, on traduit 奉行: fèngxíng comme « poursuivre », 执行: zhíxíng comme « appliquer, exécuter », 实行 shíxíng comme « mettre en œuvre, appliquer, exécuter ». On pourrait multiplier les exemples mais on y retrouverait toujours de l'action, de l'agir, c'est à dire un aspect dynamique absent de la traduction par éléments. Ce dynamisme est encore renforcé par le lien avec la doctrine du yīn –yáng, 陰-陽, traduite en vietnamien par triết lý âm dương, dont la figuration, thái cực đồ, est devenue commune. De cette association, chaque agent (élément) est successivement positif (dương) et négatif (âm). Ainsi (5 x 2) permet la correspondance avec les 10 troncs célestes.
S'il y a un vrai consensus sur les attributs et les relations réciproques de ces éléments, les difficultés surviennent lorsqu'il s'agit de les ordonner linéairement avec les troncs célestes. 3b - Différences entre l'ordre des éléments chinois et vietnamiensGénéralement ces cinq « agents doubles » sont présentés dans une configuration circulaire pour en illustrer la dimension cyclique mais il faut bien malgré tout s’entendre sur un début et une fin. La situation est la même que celle du cadran d’une horloge où l’on a convenu que le 12 est la fin d’un jour et le 0 du jour à venir. Et c’est là, comme le dit l’expression, que « les choses se gâtent ». En effet, l’ordre vietnamien (eau, feu, bois, métal, terre) est différent de l’ordre chinois (bois, feu, terre, métal, eau). Si nous comparons les combinaisons possibles, il apparaît que l’ordre vietnamien correspond à la séquence la plus ancienne - celle décrite dans le Livre des Documents (shūjīng) - alors que la suite chinoise est identique au cycle d’engendrement, nettement plus tardif ; un peu comme si les Vietnamiens étaient restés fidèles à la tradition la plus ancienne. On peut ainsi comprendre ce commentaire du vietnamologue Paul Pezner : « La première association appartient à l’école philosophique de Lumière et Obscurité (Yin-Yang) et la deuxième à la partie cosmologique de l’école confucéenne de Tong Tchong-chou. Ainsi, au XIXe siècle les Vietnamiens se servaient d’un système d’association plus ancien que les Chinois, qui ont adopté le système du IIe siècle avant notre ère. Cela prouve d’une manière indirecte que le confucianisme des Han n’avait jamais été admis au Viêt-Nam. » [5] Il est vrai que l’histoire des principaux calendriers montre sans équivoque les influences profondes des relations de pouvoir – politique, religieux et plus globalement idéologique – sur les données astronomiques les plus scientifiques ou jugées comme telles. Il n'est pas improbable que des travaux sur la complexité du corpus philosophique et divinatoire, que de nouvelles recherches historiques ou linguistiques permettent un jour d’imaginer des hypothèses originales. La question du décalage n’est pas close. calendrier vietnamien de 2008 à 2019Troncs célestes - Can - fin de cycle en 2013 | 2014 : début d'un nouveau cycle des troncs célestes | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 戊 | 己 | 庚 | 辛 | 壬 | 癸 | 甲 | 乙 | 丙 | 丁 | 戊 | 己 | bois + | bois - | métal + | métal - | terre + | terre - | eau + | eau - | feu + | feu - | bois + | bois - | mậu | kỷ | canh | tân | nhâm | quý | giáp | ất | bính | đinh | mậu | kỷ | | tý | sủu | dần | mẹo | thìn | tỵ | ngọ | mùi | thân | dậu | tuất | hợi | rat | buffle | tigre | chat | dragon | serpent | cheval | chèvre | singe | coq | chien | cochon | 子 | 丑 | 寅 | 卯 | 辰 | 巳 | 午 | 未 | 申 | 酉 | 戌 | 亥 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | Rameaux terrestres - Chi | Concordances vietnamiennes contemporaines des Can Chi --- 干支 |
Peut-être sous l'influence d'une sorte de mondialisation de ce calendrier, et donc d'une traduction en différentes langues, on assiste actuellement à une tendance médiatique substituant les termes d'animaux usuels aux termes classiques du calendrier. Pour clarifier cette confusion possible le tableau ci-dessous établit les correspondances terminologiques pour le vietnamien. chi | | nom usuel | chi | | nom usuel | tý | rat | chuột - (rat --cống /souris --nhắt) | ngọ | cheval | ngựa | sửu | buffle | trâu | mùi | chèvre | dê - (cừu si mouton) | dần | tigre | hổ - cọp | thân | singe | khỉ | mẹo/mão | chat | mèo - (thỏ si lapin chinois) | dậu | coq | gà | thìn | dragon | rồng / long (+littéraire) | tuất | chien | chó | tỵ / tị | serpent | rắn | hợi | cochon | lợn |
(sim) supplément chinois 子 | 丑 | 寅 | 卯 | 辰 | 巳 | 午 | 未 | 申 | 酉 | 戌 | 亥 | correspondances entre les troncs célestes et les animaux associés dans la terminologie commune | 鼠 | 牛 | 虎 | 兔 | 龍 | 蛇 | 馬 | 羊 | 猴 | 雞 | 狗 | 豬 | shǔ | niú | hǔ | tù | lóng | shé | mǎ | yáng | hóu | jī | gǒu | zhū | rat | buffle | tigre | lapin | dragon | serpent | cheval | chèvre | singe | coq | chien | cochon |
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