Georges Devereux

Mosaïques

Il aurait aussi fallu parler de Devereux et de la musique, de Devereux et de la poésie mais nous avons pensé qu'il valait mieux renvoyer le lecteur aux biographies et articles qui existent déjà. Par exemple, La jeunesse de Georges Devereux. Un chemin peu habituel vers la psychanalyse de Marie-Christine Beck [1] offre une approche élaborée de la dimension littéraire. Contrefiliations et inspirations paradoxales : Georges Devereux (1908-1985) de Simone Valantin-Charasson et Ariane Deluz [2] nous paraît incontournable pour qui veut comprendre et surtout situer l'œuvre de Devereux dans le dédale des sciences humaines. De ce point de vue, mais plus précisément en relation avec l'ethnologie française, nous renvoyons à Georges Devereux et l'ethnologie française. Rencontre et malentendu de Françoise Michel-Jones [3]. Quant à nous en guise de conclusion de cette partie, nous avons récolté çà et là des petites phrases, des images, des remarques qui, nous l'espérons, permettront de mettre des couleurs et du relief sur les impressions suscitées par la partie précédente.

 

Ethnopsychiatrie des Indiens mohaves, Synthélabo, coll. Les empêcheurs de penser en rond, 1996,

ὅστις δὲ πλου̂τον ἢ σθένος μα̂λλον φίλων
ἀγαθω
̂ν πεπα̂σθαι βούλεται, κακω̂ς φρονει̂.

Dans cet ouvrage, Devereux adresse une dédicace grecque à Eric Robertson Dodds. Cette citation est extraite de l’Hérakles d’Euripide (vers 1425 et 1426) ; on peut la traduire par : « Celui qui préfère la richesse ou le pouvoir à des amis sûrs n'a pas de bon sens. »

G. Devereux dans : France-Culture, Une vie, une œuvre : "Georges Devereux", de D.Kolnikoff

« .. être hongrois de Transylvanie, ce n'était pas très drôle. J'ai trouvé une espèce d'échappatoire dans des livres de voyages, d'expéditions ; mon père avait la vieille ethnographie du monde en trois volumes de Ratzel avec d'innombrables gravures qui me faisaient rêver. Je ne savais pas que c'était une profession possible. »

Élisabeth Burgos, Georges Devereux, Mohave, dans Le Coq Héron, n°109, 1988, p.71-75

Dans un article émouvant, E. Burgos note parmi les douleurs et les pertes de l'enfance : «..celle aussi de sa carrière de pianiste virtuose interrompue à cause d'une blessure lui ayant endommagé pour toujours un tendon de la main .. »

Tobie Nathan, Georges Devereux, dedans, dehors, Hommage dans Psychiatrie française, n°6, décembre 1985

« Mes pas me guidèrent jusqu'à une salle du Collège de France où se tenait un séminaire totalement saturé de fumée de tabac. Le contact fut rude. J'ai écouté douze heures durant Georges Devereux commenter quatre vers de l'Agamemnon d'Eschyle. »

Elisabeth Roudinesco, préface de Psychothérapie d'un Indien des Plaines, p.7

« Misogyne et conservateur, hanté par le suicide, il aima passionnément les femmes et les chiens, se maria six fois et eut de multiples liaisons sans jamais devenir père. »

 

"OOps!" (Hommage à Georges Devereux N°001), Manuel Periáñez, 15/01/2000 à 18h18« Quand Georges Devereux venait, dans les années 70, mùparfois chez moi les dimanches manger du goulash pseudo-hongrois (confectionné, d'après ses ordres incessants au téléphone, par une de ses étudiantes dont je partageais l'existence, une Russe bien plus à l'aise avec le bortscht), il détestait apercevoir accrochés au mur quelques faux Mondriaan que je m'étais amusé à "peindre" à l'époque. Je cherchais quelque chose, d'abord à me moquer du marché de l'art bien sûr (les originaux valant déjà des fortunes à l'époque), mais surtout à comprendre la Hollande et l'esprit du calvinisme. Autant Devereux vitupérait contre Mondriaan, dont "la femme devait avoir eu des seins carrés, et un con carré", s'emportait-il sans élégance exagérée, autant mon investigation par ces remakes d'une belle névrose ethnique hollandaise lui faisait pardonner mes extravagances à ses yeux. Comme beaucoup de grands hommes, Devereux baisait beaucoup, et cela ne manque pas d'interpeler le bien-fondé de la théorie freudienne de la sublimation. »
Manuel Periáñez (visitez absolument son site, vous y verrez l'original)

Simone Valantin, La chambre froide. Note sur Georges Devereux, Rev. Fr. de Psycha., LVII, 3, 1993, 956-964

« Il est possible que ce sang-mêlé scientifique soit un auteur un peu maudit, à l'exemple de Géza Róheim récusé à la fin de sa vie par ses pairs analystes dont Devereux évoque, avec la fascination de l'analysant, l'incompréhension dernière qu'il reçoit. Même si la discipline qu'il "promeut" est souvent citée, Devereux est pour les psychanalystes contemporains quasi ignoré et pour les anthropologues perçu comme illisible. Certains commentateurs ne manquent pas de noter le peu d'écho qu'il reçoit auprès des spécialistes historiens ou mythologues. »

Maria D. Gertler, Ariane Deluz, Georges Devereux (1908-1985), Rev. Fr. de Psychanalyse, 6, 1987, p.1669

« Les idées qu'il mit sur le papier pendant ses longues soirées chez les Sedang lui servirent de base à la partie épistémologique de son œuvre ; de cette époque date l'essentiel de son sixième livre publié en 1967 où il dégage l'importance cruciale du contre-transfert dans les sciences du comportement et démontre que l'étude de l'observateur plus que celle de l'observé permet l'accès à l'essence de la situation étudiée. »

Benjamin Kilborne, Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie, n°7, 1987, p.140

« Une des explications possibles au fait qu'il n'a pratiquement rien publié au sujet des Sedang, à propos desquels il possédait des piles de notes, est qu'il les haïssait et ne voulait pas fouiller trop loin dans ce qu'ils représentaient pour lui. [...] Attaché comme il l'était aux principes énoncés dans De l'angoisse à la méthode, il n'aurait pu s'occuper des Sedang sans prendre en compte ses propres réactions à leur sujet, sans s'attarder sur sa propre angoisse en tant qu'observateur dans cette situation. Ce qu'il n'était pas prêt à faire. »

Ariane Deluz dans : France-Culture, Une vie, une œuvre : "Georges Devereux", de D.Kolnikoff

« Pendant ces années d'après guerre il s'était lié avec Margaret Mead et Claude Lévi-Strauss. Je me souviens qu'un jour .. j'ai dit à Lévi-Strauss : " mais il n'y a pas de correspondances Devereux - Mead.." et il m'a répondu : "Bien sûr, il ne peut y avoir de correspondances, ils habitaient la même maison et se téléphonaient tous les jours" »

Élisabeth Burgos dans : France-Culture, Une vie, une œuvre : "Georges Devereux", de D.Kolnikoff

« Il accordait aussi une énorme importance  à savoir où l'on était, où étaient ses élèves, du point de vue de l'inconscient ... les tests qu'il faisait passer, c'était justement concernant ces domaines là ... il demandait d'associer sur notre dernier rêve .. la veille de venir le voir, d'associer sur la relation avec lui ... ce que l'on éprouvait par rapport à lui. C'était le transfert ou le contre-transfert qui était pour lui une donnée très importante et qu'il cherchait à voir... »

France-Culture, Une vie, une œuvre : "Georges Devereux", de D.Kolnikoff.

- D. Kolnikoff : « C'était comment chez lui ?  » - Fethi Benslama : « .. c'était d'une grande pauvreté, le seul luxe c'était un piano à queue ... un appartement HLM de banlieue, vraiment très banal .. souvenirs de rires, de rires extraordinaires .. il finit par devenir quelqu'un de votre famille .. qui n'hésite pas à vous appeler à minuit pour vous demander une précision sur un mot .. il m'a dit : "tu vois ! je suis fatigué et malade mais ce qui est insupportable, c'est quand il n'y a plus d'amour dans la vie ... tout le reste c'est supportable" »

Nous avons déjà mentionné ci-dessus la qualité et l'émotion qui se dégage de l'article d'Elisabeth Burgos, intitulé Georges Devereux, Mohave, cet article présente aussi une décision d'un Conseil Tribal Mohave que Devereux remit à Mme Burgos peu avant de mourir. Nous en proposons ci-dessous le contenu afin que le lecteur puisse juger du respect et de la générosité qui liaient, réciproquement, Georges Devereux et le peuple Mohave.

Margarita Xanthakou, De la mémoire à la méthode : Georges Devereux, tel qu'en nous-mêmes...,
dans la revue L'Homme, 134, 1995, p.179-190

« ... le 29 mai 1985, disparaissait Georges Devereux, un maître chez qui le respect de l'homme égalait l'amour de la recherche et pour qui l'amitié n'était pas un vain mot. Il aimait les clémentines bien jaunes et sucrées, Mozart, les czardas et les Indiens mohave ... ».

 

 

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Notes et bibliographie

 [1] Beck Marie-Christine, La jeunesse de Georges Devereux. Un chemin peu habituel vers la psychanalyse, Revue Internationale d'Histoire de la Psychanalyse, 1991, 4, 581-603 - retour -

 [2] Valantin-Charasson Simone, Deluz Ariane, Contrefiliations et inspirations paradoxales : Georges Devereux (1908-1985), Revue Internationale d'Histoire de la Psychanalyse, 1991, 4, 605-617 - retour -

 [3] Michel-Jones Françoise, Georges Devereux et l'ethnologie française. Rencontre et malentendu, Nouvelle revue d'Ethnopsychiatrie, 1986, n°6, 81-94 - retour -

 [4] Je remercie Raymonde Wicky, Bibliothèque de l'Institut d'ethnologie et du Musée d'ethnographie de Neuchâtel, de m'avoir communiqué les références de l'œuvre évoquée par Devereux. Il s'agit de :
Ratzel Friedrich (von), Völkerkunde, Leipzig, Verlag des Bibliographischen Instituts, 1887
Bd. 1, Die Naturvölker Afrikas
Bd. 2, Die Naturvölker Ozeaniens, Amerikas und Asiens
Bd. 3, Die Kulturvölker der Alten und Neuen Welt - retour -



DÉCISION N° R-39-85

CONSEIL TRIBAL DE LA RIVIERE COLORADO

Le Conseil Tribal des Tribus Indiennes de la Rivière Colorado, réuni en assemblée ordinaire le 9 Mars 1985, a examiné la proposition du Dr. Georges Devereux d'endosser sa future publication "la vie sexuelle des Mohave".

ATTENDU QUE Le Dr. Georges Devereux est un anthropologue de renom international, qui a travaillé avec le peuple Mohave dans cette Réserve aux alentours de 1932 et collecté et publié des données sur le peuple Mohave;
ATTENDU QUE Le Dr. Devereux a soumis la requête que les Mohave des tribus indiennes de la rivière Colorado endossent sa future publication "la vie sexuelle des Mohave";
ATTENDU QUE cette requête a été discutée par les Anciens des Mohave et par d'autres; ATTENDU QUE soixante‑dix (70%) pour cent de cette future publication sera composée d'informations déjà publiées;
ATTENDU QUE les Mohave considèrent que les précédents travaux du Dr. Devereux sont généralement précis et véridiques; ATTENDU QUE les trente (30%) pour cent restants de la future publication sont actuellement inconnus des Tribus; et
ATTENDU QUE le Dr. Devereux a déclaré verbalement que les royalties de cette future publication seront versées à un fonds d'éducation pour promouvoir la langue et la culture Mohave pour les étudiants Mohave qui portera le nom de Fonds Agnès Savila;
ATTENDU QUE le Conseil Tribal reconnaît le droit du Dr. Devereux de publier le matériel qu'il a mis en forme;
ATTENDU QUE le Conseil Tribal reconnaît également que la substance et les connaissances recueillies par le Dr. Devereux en vue de la publication de ce livre proviennent du peuple Mohave et ne sont pas sujettes à copyright:

EN CONSEQUENCE IL EST DECIDE par le Conseil Tribal des Tribus de la Rivière Colorado que les Tribus Indiennes de la Rivière Colorado endossent la partie du futur livre déjà sous presse, au bénéfice de ses membres Mohave;
IL EST DECIDE EGALEMENT que les Tribus reconnaissent le droit du Dr. Devereux de publier l'information complémentaire sur les Mohave qu'il a recueillie auprès d'eux;
IL EST DÉCIDÉ EGALEMENT ET FINALEMENT que les Tribus se réservent le droit d'endosser l’ensemble du futur livre après sa terminaison.

La présente décision a été dûment approuvée le 9 mars 1985, par un vote de 7 voix pour et 0 contre, par le Conseil Tribal des Tribus Indiennes de la Rivière Colorado, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par (article VI, section 1.r. de la Constitution et par les lois des Tribus, ratifiées par les Tribus le Ier mars 1975 et approuvées par le Secrétaire d'Etat à l'Intérieur le 29 mai 1975, reconduisant la Section 16 de (Acte du 18 juin 1934 (48 Stat. 984). Cette décision est effective dès sa date d'adoption.

LE CONSEIL TRIBAL DE LA RIVIÈRE COLORADO

le Président (signé: Anthony Drennan Sr.), le Secrétaire, (signé: illisible D. Harper). - retour -

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©  - Fermi Patrick - 17 septembre 1998.spacerevu le 12 décembre 2014