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Généralités« Prendre position »
Diversités des processusAcculturation antagoniste (Devereux / Loeb)
 

 

acculturation

Généralités

Proposé en 1880 par des anthropologues américains le terme d'acculturation a reçu des acceptions diverses notamment en migrant dans des disciplines proches. Ainsi en psychologie sociale il a souvent désigné « le processus d'apprentissage par lequel un enfant reçoit la culture de l'ethnie ou du milieu auquel il appartient ».[1] Comme le note Roger Bastide il serait plus juste de parler alors d'enculturation ou de socialisation. Quoi qu'il en soit et pour s'en tenir au champ qui nous intéresse ici, proche de l'anthropologie culturelle, nous retiendrons la définition du Memorandum du Social Science Research Council :

«  L'ensemble des phénomènes résultant du contact direct et continu entre des groupes d'individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types de culture originaux de l'un ou des autres groupes. » [2]

Si l'on admet - tout au moins dans les milieux scientifiques - que l'usage de cette définition s'est imposée,[2a] il faut en noter le caractère neutre. En effet, les usages communs lui prêtent généralement une connotation péjorative ou négative, gommant pour ainsi dire toutes les déclinaisons que les travaux successifs ont mis en évidence. Néanmoins, cette définition élaborée en 1936 ne pouvait que sous-estimer les moyens de communication modernes qui peuvent rendre virtuel le contact, lequel en cela n'est pas nécessairement direct au sens de réel. Cela est un fait nouveau rendu possible par la télévision satellite et les diverses potentialités d'Internet. Remarquons aussi à ce propos que si une société peut être influencée par une autre, un groupe de migrants peut rester dans un certain contact avec sa société d'origine. Inversement, l'importance croissante des réseaux sociaux pourront rendre perméables des frontières classiques d'identité groupale.

diversité des processus et des définitions

Les études des processus en cause, conflit, ajustement, accommodation, syncrétisation, contre-acculturation etc. ont conduit à décrire des catégories de différentes manières, toutes plus ou moins équivalentes. Wachtel par exemple distingue les modalités d'intégration, d'assimilation, de syncrétisme, de disjonction.[3] On peut aussi imaginer deux pôles représentant l'imperméabilité des contacts et l'absorption d'un groupe par un autre, on parlera alors de séparation (ou isolation) pour le premier cas et d'assimilation pour le second. Entre ces extrêmes et dans un rapport d'opposition, il est classique de distinguer l'intégration et la marginalisation. C'est ce que fait Berry [4] en proposant :

  • Assimilation : abandon de son identité culturelle pour adopter la culture dominante.

  • Marginalisation : abandon de son identité culturelle sans adopter et/ou rejeter la culture dominante.

  • Séparation : maintien de son identité culturelle sans adopter la culture dominante.

  • Intégration : maintien de son identité culturelle et adoption de la culture dominante.

Ces processus d'acculturation, ou d'autres encore si l'on se réfère à un découpage différent des catégories, n'apparaissent pas toujours d'une manière aussi nette. Carmel Camilleri [5] les module par exemple en distinguant cinq paramètres :

  • l'origine, endogène ou exogène,

  • la vitesse,

  • l'étendue, selon le nombre de sous-systèmes atteints,

  • la profondeur, relative à la distance du « noyau » culturel,

  • la reliabilité.

Cela étant dit la notion d'acculturation n'est pas sans poser de difficultés. J.-F Baré souligne par exemple que « les études d'acculturation tendent implicitement à déchiffrer le changement culturel du point de vue d'un seul des univers en présence, culture « source » ou culture « cible ». »  ou encore qu'une « faiblesse de la définition classique tient aux relations qu'elle entretient avec d'autres notions d'inspiration culturaliste ... comme celle de trait culturel.. » [6]. Une autre difficulté et non des moindres relève de la sémantique. Jean Poirier pensait souhaitable qu'un organisme international, il pensait à l'Unesco, unifia la terminologie. Il rappelle par exemple que les auteurs allemands utilisent transculturation pour le changement déclenché par un facteur exogène et acculturation pour un changement interne. Les auteurs espagnols emploient transculturation pour qualifier la dynamique interculturelle. Lui-même considère qu'il « convient d'entendre par :

  • contacts culturels : l'ensemble des interrelations culturelles qui se nouent entre deux cultures mises en rapport (direct ou indirecte, physique ou non, continu ou épisodique, conscient ou inconscient) ;

  • acculturation : le processus dynamique dans lequel s'engage une culture évoluant sous l'influence d'une autre culture ;

  • transculturation : le même processus déclenché par l'effet de facteurs endogènes (sans mise en contact de deux ou plusieurs ensembles culturels distincts) ;

  • enculturation : les processus de socialisation de l'individu qui, par l'éducation, l'instruction, les disciplines du groupe en général, transmettent à chacun des membres du groupe les modèles, les normes, les systèmes de valeurs caractérisant la culture ;

  • contre-acculturation : les attitudes de réserve, de rejet ou de repli manifestant une réaction du groupe à un début d'acculturation. » [7]

Poirier ajoute à cette liste la déculturation et la reculturation pour qualifier la dégradation culturelle sous l'influence d'une culture dominante pour le premier et le retour vers une culture originale pour le second. Georges Devereux donne un exemple manifeste de déculturation :

« J'entends par déculturation d'un trait culturel le processus par lequel on le dépouille du sens qu'il a dans la culture. Ainsi, lorsque j'utilise un violon comme bois de chauffage, je le déculture.»[8]

Dans la terminologie d'Herskovits, sont aussi mentionnés les concepts de diffusion, d'assimilation et d'acclimatation. Ainsi, à moins que les usages linguistiques se normalisent dans le temps, les applications et les définitions de tous ces termes demandent à ce que soient explicités les contextes et les références terminologiques. Par exemple un masque africain dans le marché d'art européen est un objet culturel déculturé mais en même temps, en s'intégrant dans l'univers culturel occidental, il se « culturalise » et acquiert d'autres sens. Parler comme on le fait aujourd'hui d'art premier et transférer des objets du Musée de l'Homme vers le Musée des Arts Premiers du quai Branly représente une nouvelle déculturation. Ce dernier transfert parachève en réalité un mouvement d'appropriation de l'objet. Pour paraphraser Devereux cité précédemment : « lorsque j'utilise un masque comme objet d'art, je le déculture. »

« prendre position »

Nous adoptons pour acculturation la définition proposée par le Memorandum citée plus haut mais sans nier les difficultés et en notant que son utilisation mérite beaucoup de prudence épistémologique.

« prendre position » est le préalable à la possibilité même d'analyser le contre-transfert ; à l'extrême limite, la « position en soi » n'est pas plus importante que la « conscience de sa prise ». Les pratiques interculturelles ne peuvent pas rester neutres devant les phénomènes de l'acculturation. Elles s'exercent - qu'on le veuille ou non - dans un cadre politique et idéologique préexistant dans lequel agissent les acteurs de ces pratiques. Par exemple le contexte français avec son idéologie républicaine marquée par un citoyen universel, par une certaine conception de la laïcité, par des rapports historiques singuliers avec la majorité des populations immigrées etc. n'est pas identique au contexte canadien, lequel est traversé par une conception du multiculturalisme et une immigration essentiellement de peuplement. Les pratiques qui s'exercent en France et au Canada ne peuvent qu'être différentes même si les processus d'acculturation étaient comparables. [ voir Contre-transfert culturel ? ]

En France, il nous a paru nécessaire de faire un « choix idéologique » entre l'assimilation et l'intégration (au sens de Berry) au profit de cette dernière. Cela signifie pour nous la nécessité de considérer avec autant d'intérêt les repères culturels des sociétés d'origine et de la société d'accueil. Dans les cas, rares en réalité, d'une incompatibilité ou d'un conflit, nous estimons devoir nous référer aux valeurs et aux normes manifestées dans le Droit. Cette référence ne signifie pas pour autant que nous nous refuserions d'écouter et d'analyser les discours relatifs à des pratiques culturelles interdites en droit français. L'excision par exemple n'est pas légalement admissible mais les représentations culturelles véhiculées par les populations qui la pratiquent se doivent d'être entendues.

Nous soulignons enfin que les approches interculturelles ne doivent pas être les alibis de difficultés et de problèmes qui  relèvent plus de la précarité sociale et économique que des différences culturelles. Les écarts entre classes socio-économiques sont à beaucoup d'égards souvent plus importants que les écarts entre communautés culturelles.

l'acculturation antagoniste selon G. Devereux et O.M. Loeb

Source : Acculturation antagoniste (1943), chapitre VIII de Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, Flammarion, 1987

Première définition générale de la notion d'acculturation antagoniste : processus à diverses facettes utilisés par un ensemble de dominés pour s'opposer aux valeurs, aux normes et aux comportements d'un ensemble dominant.

Ce texte, et cela est fréquent dans les écrits de Devereux, expose des idées claires et précises mais il est structuré d'une telle manière que l'on peut se perdre aisément dans les innombrables ramifications et subdivisions qui en font sa composition. Nous avons donc pris le parti d'afficher en préalable le plan détaillé de cet écrit. Cependant, nous n'avons pas fait figurer les notules d'exemples dont la numérotation participe aussi à la difficulté de la lisibilité.
 

Les résistances

Les résistances à l'emprunt

A/ Due à la résistance à l'item culturel

B/ Due à la résistance au prêteur

Les résistances au prêt

A/ Due à l'item culturel

B/ Due à l'antagonisme au prêteur

I. La résistance au prêt à l'intérieur du groupe

II. La résistance au prêt à l'extérieur du groupe

Cause et fonction de la résistance

La diffusion de stimulus

L'acculturation antagoniste

I. L'isolement défensif

A/ La suppression du contact social

B/ la suppression des items culturels

II. L'adoption de moyens nouveaux

A/ La pseudo-diffusion des fins

B/ Exemples d'adoption de moyens

III. L'accumulation négative dissociative

A/ La régression

B/ Différenciation

C/ Négation

Sommaire

Bibliographie

 

Comme le montre à l'évidence le plan ci-dessus, la partie spécifiquement consacrée à l'acculturation antagoniste est préparée par une analyse détaillée de toutes les formes de résistance à l'acculturation et/ou à la diffusion. ................................................

Cette page est en cours d'élaboration. Désolé.

 

 

 

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Notes et références bibliographiques

 


[1] Bastide (R), Acculturation, in Encyclopaedia Universalis, 1-114 c et suivant, 1998 - retour

[2] Redfield (R), Linton (R), Herskovits (MJ),  Memorandum on the study of acculturation,  in American Anthropology, n°38, 1936 - retour -

[2a] Encore faut-il rester prudent sur ce point car on peut trouver en 2013 sous la plume de François Laplantine :
 « la domination d’une culture par une autre qui, imposant ses propres valeurs, conduit la culture dominée à adopter (consciemment ou inconsciemment) les modèles de la culture dominante. La colonisation peut être considérée comme la forme majeure de l’acculturation. », dans :
François Laplantine, « Georges Devereux, un savant entre les rives », La Vie des idées, 19 novembre 2013. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Georges-Devereux-un-savant-entre.html - retour -

[3] Wachtel (N), L'acculturation, in Le Goff (J), Nora (P), Faire de l'histoire, Paris, Gallimard, T1, 1974 - retour

[4] Berry (J), Acculturation et adaptation psychologique, in La recherche interculturelle, tome 1, Paris, L'Harmattan, 1989 - retour

[5] Camilleri (C), Cohen-Emerique (M), Chocs de cultures, Paris, L'Harmattan, 1989, p.29 - retour

[6] Baré (J.-F), Acculturation dans Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie de Bonte (P) et Izard (M), Paris, PUF, 2e éd.1992, p.2 - retour

[7] Poirier (J),  Ethnies et cultures, in Ethnologie régionale, Paris, Gallimard, Encyclopédie de la Pléiade, 1972, p.24-25 - retour

[8] Devereux G., Essais d'ethnopsychiatrie générale, Paris, Gallimard, coll. TEL, 1977, note p.340 - retour -

 

 

© - Fermi Patrick - 17 septembre 1998